Une intrusion imprévue...

Alice, l'assassin du Roi Sadimus, était encore couchée lorsque Demetreius pénétra dans sa chambre avec fracas accompagné de huit hommes en armes. Le soleil était déjà haut, mais ses virées nocturnes faisaient qu'elle dormait jusqu'à tard. En tout cas, le prévôt estimait que ses sorties nocturnes méritaient une inspection surprise. Les hommes entrèrent et commençèrent à farfouiller dans les affaires de la jeune femme sans la moindre vergogne, pendant que le prévôt, lui, la regardait émerger de son sommeil. Il sortit son épée et écarta le drap avec sa pointe, dévoilant une jolie chemise de nuit de très bon goût.

La réaction d'Alice ne se fit pas attendre, elle sauta sur ses jambes. Maintenant qu'il avait son attention, il pouvait lui expliquer, avec son expression totalement neutre et son regard hautain et arrogant, le pourquoi de la chose.

" Inspection, miss, veuillez ne rien faire de maladroit... J'en ai le droit. C'est d'ailleurs mon devoir de veiller à l'équilibre des forces. "

Il la toisa avec un très léger sourire méprisant et la fixa, la déshabillant du regard.

" Devrais-je inspecter sous votre vêtement aussi, gente dame? "

Il eut un rire à glacer le sang et se lécha les babines.

La nuit avait été dure, comme d'habitude. Alice avait le sommeil très léger, elle était tellement méfiante qu'elle se réveillait souvent pour un bruit de rien du
tout. Il n'est pas toujours facile d'être assassin. On craint toujours de se faire attraper.
De plus, chaque nuit, elle rêvait de Lui. Samaël. Son Maître. Son modèle. Sa seule famille. Etait-ce seulement un rêve d’ailleurs, ou son esprit venait réellement lui rendre visite ? Elle n’aurait su le dire. Et, quand elle se réveillait, c’était souvent en pleurant, tellement déçue de l’avoir quitté…C’était la seule personne pour laquelle elle versait des larmes. Cette douleur, elle n’était pas assez forte pour la surmonter.
Heureusement qu’Alice avait besoin de très peu d’heures de sommeil…

Il devait être tard quand elle se réveilla, elle voyait le soleil à travers les rideaux. Pas le temps de pleurer, quelque chose l’inquiétait. Qu’est-ce qui l’avait réveillé ? Des bruits de pas, qui se trouvaient à bonne distance pourtant. Elle se frotta les yeux, encore dans le brouillard. Pas de quoi s’inquiéter, ils passaient juste dans le couloir. Elle pouvait se rendormir.
Malheureusement pour elle, elle se trompait lourdement.

La jeune fille sursauta quand on ouvrit sa porte à la volée. Elle voyait entrer des gardes, et un homme qui avait l’air d’être d’un rang supérieur à ces derniers. Alice regarda sans comprendre les gardes fouiller sa chambre, qui était pratiquement vide d’ailleurs. C’était la première fois qu’elle consentait à dormir ici, et elle ne possédait pas grand-chose, rien de précieux en tout cas. Au moins, ils ne cherchaient pas à la capturer ELLE.

Le prévôt l’obligea à se lever. Alice était totalement réveillée à présent, et elle était de très mauvaise humeur à cause de toute l’offense qu’elle venait de subir. Elle jeta un regard méprisant sur les gardes qui fouillaient tout sans rien trouver. Inspection ? C’est ça, et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier alu’ !
Elle répondit à Demetreius d’une voix cassante :

" Ne me faites pas croire que c’est le Roi qui vous envoie, je n’aime pas les blagues dès le matin… "

Quand il parla ‘d’inspecter’ ses sous vêtements, Alice lui lança un regard qui aurait fait fuir la plupart des gens. Rageuse, elle empoigna son pantalon sur son lit et l’enfila par-dessus sa chemise de nuit.

" Essayez seulement, et moi j’inspecterais l’intérieur de vos globes oculaires. Me suis-je bien fait comprendre ? Maintenant, déguerpissez, ou c’est moi qui m’en chargerais à coups de pieds aux fesses ! " lança t-elle d’une voix très, très menaçante.

Ses yeux vairons lançaient toujours des éclairs.

L'attitude de la jeune assassine faisait sourire l'orgueilleux prévôt. Elle semblait se trouver quelqu'un de terriblement important, pourtant il était le responsable de la stabilité du royaume et toute personne égale ou inférieure à lui, c'est à dire TOUS sauf le Roi, étaient soumises à son arbitraire si besoin. Le cas d'Alice était plutôt spécial, en tant qu'assassin royal, et donc en tant que main gauche du Roi, son homologue dans les magouilles les plus profondes du souverain, elle avait droit à une certaine clémence, mais pas à esquiver les inspections, aussi nombreuses fussent-elles et de quelque nature, pour quelque raison que ce soit. Il s'agissait en l'occurence de vérifier l'intégrité d'Alice en s'assurant qu'elle ne complotait pas. Et elle pouvait très bien cacher des documents d'importance dans ses vêtements. Et Demetreius en profitait alègrement pour satisfaire ses yeux.

Il poussa un petit rire froid et amusé lorsqu'elle le menaça. Ses globes occulaires. Mais pourquoi vouloir lui crever les yeux alors qu'ils ne faisaient que chercher à se contenter? Elle enfila un pantalon et il trouva tout de suite cela plus amusant. Un garde vint à ses côtés et lui signala qu'ils n'avaient rien trouvé de compromettant. A huit, ils avaient vite fait. Le prévôt ne dit rien et lui fit juste un signe du bout de l'index. A ce moment, tous les gardes sortirent, laissant Alice et Demetreius seuls dans la chambre. Il attendit que les bruits de pas s'effacent pour sourire à Alice et il commença à tourner autour du lit avec une expression amusée sur le visage, mais avec un fond terrifiant de mépris et de sadisme, comme toujours.

" Allons demoiselle, vous devriez rester tranquille et vous laisser faire. " Dit-il sur un ton neutre, l'épée toujours à la main. " Je me dois de vérifier toutes vos affaires, vos vêtements compris, et même vos orrifices si je l'estime nécessaire, et je n'aimerais pas devoir en arriver là. "

Il eut un tout petit rire sadique, puis son visage devint sévère et il pointa sa lame sur sa gorge, à bonne distance. " Obéissez à présent ! " Il n'aimait pas perdre son temps avec des détails, du moins ça se payait. Et il commençait à être agacé.

Alice était maintenant tellement énervée que ses joues pâles commençaient à devenir roses. Elle resta tout de même impassible, il ne fallait pas se battre sous l’effet de la colère. Elle regarda la lame fixement. Il eut un instant de silence, puis Alice fit un sourire plutôt inquiétant…

" Obéir ? Je crois que tu es mal placé pour me donner des ordres. Tu n’es pas mon souverain que je sache. "

Elle déchira le bas de sa chemise de nuit pour que ça fasse juste un simple haut. Elle ne voulait pas être gênée. D’un coup de pied, elle envoya valser le matelas contre Demetreius pour dévier son épée et pour prendre son attirail caché sur les lattes du lit. Deux dagues de taille moyenne et des aiguilles paralysantes. Il y avait aussi des lacrymogènes et des rouleaux de fils solides, mais ce n’était pas à utiliser dans un environnement fermé, même si la chambre était grande.
Une dague dans sa main gauche, les aiguilles dans la main droite. Quant à l’autre dague, elle en avait accroché l’étui pour pouvoir la sortir dès qu’elle aurait utilisé ses aiguilles. Elle s’était préparée en à peine 3 secondes.

" Bien. Maintenant on va jouer. On va voir qui mérite d’être le petit toutou de l’autre. "

Les joues d'Alice rorissaient, et l'oeil expert du prévôt l'avait repéré. Soit elle attaquait maintenant et elle se ferait sévèrement punir par une immobilisation de son cru, soit elle se calmait et la partie pouvait s'avérer être intéressante. Son sourire lui annonça que le jeu en vaudrait effectivement la chandelle. Elle était arrogante elle aussi, et elle le prouvait. Elle le prenait de haut et ça avait tendance à l'exciter plus que toute autre chose. S'il finissait par l'attraper, il lui ferait sentir ses pulsions. Déjà qu'elle était belle, elle avait en plus un caractère bien trempé. Elle déchira le bas de sa chemise de nuit et lui envoya le matelas à la figure. Il repoussa le matelas et alla poser son épée avant de la voie avec une dague et des aiguilles paralysantes. Il sourit et enleva sa cuirasse, la laissant lourdement tomber à terre, révélant un simple vêtement et un pantalon.

" Vous avez tort de jouer avec moi. "

A la distance où ils étaient, elle n'aurait pas le temps d'esquiver son premier coup. Il passa à côté d'elle en attrapant son poignet, passant son bras par-dessous le sien, et le tordit, lui faisant ouvrir la main. Il attrapa ses aiguilles et lui chipa une dague. Il lança les aiguilles par une fenêtre et montra la dague.

" Maintenant, on peut commencer. "

Il avait un rire profondément sadique mais amusé, hautain aussi, tandis qu'il se mettait en position de combat. Qui serait le toutou de l'autre? Il aurait bien aimé le savoir, mais à armes égales, il ne feraient jamais mieux qu'un nul.

Alice ne comprit pas pourquoi il avait jeté son épée et abandonné sa cuirasse. Comptait-il se battre à mains nues contre elle ? La méprisait-il à ce point ? Bien sûr, elle trouvait le prévôt complètement stupide. Mais si en plus il était suicidaire, il y aurait des questions à se poser sur le personnel du Roi.
Conclusion : ça cachait quelque chose.

La jeune fille se demanda ce qu’elle pourrait faire de lui si elle le battait. Elle allait essayé de ne pas le tuer pour ne pas s’attirer la colère du roi. Elle pourrait le traîner devant Sa Majesté pour lui prouver que c’était un bon à rien, le roi s’en débarasserait et Demetreius finirait ses jours dans la misère. Oups, elle s’emportait un peu là.

Demetreius attaqua. Il était trop près pour qu’elle esquive, elle essaya donc de le contrer. L’assassin voulu lui envoyer un coup de poing bien placé, mais Demetreius en profita pour saisir son poignet et le tordre pour qu’elle lâche ses aiguilles. Même si Alice était très forte pour une fille, il lui est un peu difficile de rivaliser avec un garçon costaud, même si la différence de force était minime. Alice résista quelques secondes en serrant les dents. Elle résistait en général assez bien à la douleur, mais elle sentait ses ligaments poussés à leur paroxysme. Elle fut donc forcée de lâcher ses aiguilles, mais le prévôt ne s’arrêta pas là : il prit sa dague accrochée à sa jambe. Là, Alice ne se laissa pas faire. La dague dans son autre main visa l’épaule du prévôt, le forçant à la lâcher. La jeune fille recula, profitant de cet instant de répit pour masser son poignet douloureux. La douleur disparaissait déjà. Alice lui jeta un regard méprisant. Ce type était aussi arrogant qu’elle.

Donc ce qu’il voulait, c’était juste se battre contre elle à armes égales ? Altitude très noble, mais il allait bien vite le regretter quand elle aura le dessus…Elle lui jeta un regard de défi. Il n’avait pas intérêt à la sous-estimer. Sinon, tant pis pour lui, il mourra bien vite.

Alice se décida à attaquer, visant à chaque fois les points vitaux du corps. En les frappant, elle pouvait le paralyser, le faire perdre connaissance…Ou le tuer. Elle délaissa ces derniers, son but n’étant pas de le tuer. Mais aucune de ses attaques n’étaient faite par hasard. Grâce à son métier, elle connaissait parfaitement les faiblesses du corps humain. De plus, elle ne laissait pas le prévôt respirer. A peine avait t-il paré une de ses attaques qu’elle recommençait. L’assassin bougeait beaucoup, c’était comme une sorte de danse. Sa démarche était aussi souple que celle d’un félin. Les atouts d’Alice reposaient principalement sur la dextérité, la vitesse et l’agilité. La jeune fille cherchait une ouverture qui lui permettrait de mettre son adversaire hors d’état de nuire.

L'assassin se débrouillait plutôt bien. Et elle était plutôt solide pour une jeune femme. Cela l'avait beaucoup amusé de le remarquer. Le combat était vraiment égal. Elle était audacieuse, signe d'orgueil et d'arrogance, tout comme chez lui. Elle n'hésita pas à l'attaquer sur ses points vitaux : gorge, aisselles et flacs, colonne vertébrale et articulations. Sa technique de combat était très différente de celle d'Alice. Il bougeait très peu, mais restait toujours à l'affut du moindre mouvement de l'adversaire, tous ses sens aiguisés. Il esquiva bien les premiers coups, avant de se prendre un coup de manche dans les abdos. Pas de douleur. En raison du peu de mouvements qu'impliquait sa tactique, il s'était beaucoup fortifié sur le point de l'endurance et de la solidité. Il pouvait encaisser largement plus de coups qu'un paysan avant de de décider ne serait-ce qu'à mettre un genou à terre ou voûter le dos.

A chacune de ses attaques, il esquivait, et contre-attaquait, la ratant. Alice tournait autour de lui sans arrêt, lui restait pratiquement impassible, observant, écoutant, ressentant le moindre bruissement de l'air. Une bonne dizaine de minutes s'écoulèrent ainsi. Il ne s'essouflait pas vite, pas plus vite qu'elle, et les deux combattants commençaient à avoir de la peine à respirer calmement. Une douleur sur la joue. Alica l'avait encore attaqué et lui avait fait une très fine entaille sur la pomette gauche, qui n'avait d'ailleurs que raclé la chair. Mais cela énerva le prévôt qui lança un rapide crochet du point gauche, qu'elle prit au même endroit en tentant d'esquiver. Un mal pour un mal. Mais le combat s'éternisait trop, et il savait qu'il n'y aurait pas de vainqueur sans un coup d'éclat. C'est pourquoi il laissa parler sa résistance, décidant de faire confiance à sa propre personne pour se sortir de là.

Il fit toujours mine de vouloir esquiver, sans pour autant le chercher. Alice lui décocha un coup à l'arrière du crane. Le reste, il ne le comprit pas trop, et il se laissa tomber à genoux, encore parfaitement en état de penser et d'agir. Il laissa l'assassin venir, approcher, sans doute pour l'assomer définitivement. Mais à ce moment-là, il se retourna et se rmeit sur ses jambes, tendant le bras. Sa dague alla se placer sous la gorge d'Alice. Il eut un petit sourire avant de déchanter. Il sentit un trait froid sur sa propre gorge. Alice le tenait elle aussi ens on pouvoir. Match nul.

" Teuh... Félicitations, vous êtes autrement plus puissante que le ramassis de chiens qui peuple ce royaume et ce château. "

Avait-elle un honneur? Lui oui. Il était rare qu'il trouve un être qu'il considère presque comme son égal à qui accorder son code d'honneur. Il décida de penser qu'elle en avait un, et retira sa dague.

" En plus d'être séduisante, vous êtes un terrible combattant. Vous êtes à fortiori magnifique lorsque vous êtes en colère. Ca donne un peu de couleur à votre peau parfaitement pâle. "

Echanges de coups. Ce prévôt était meilleur qu’elle ne l’avait cru aux premiers abords. Sa force équivalait à la sienne. C’est dans ces cas-là que l’adrénaline montait le plus, car l’issue du combat était plus qu’incertaine. Alice savait qu’elle avait autant de chances de gagner que de perdre. Cela changeait un peu du quotidien, où elle pratiquait plus des ‘exécutions ‘ que des combats…

La jeune fille remarqua qu’ils étaient très différents en techniques de combats. Elle était fluide et souple, il était immobile et résistant. Cela faisait genre un peu ‘l’eau contre la terre’. Mais ce n’était pas le moment de faire de la poésie. Au moins, les muscles de Demetreius ne servaient pas qu’à impressionner les frivoles demoiselles. Il était robuste. Mais Alice ne pouvait pas se permettre de mettre toute sa force dans chacun de ses coups ; trop hasardeux, de l’énergie gaspillée.

Elle continuait inlassablement de lui tourner autours. Elle n’arrivait pas à le toucher, mais lui non plus. Mais Alice se montrait patiente, attentive. Elle n’était pas du genre à perdre son sang froid pour si peu. Après plusieurs minutes de persévérances, elle réussit à lui entailler la joue. La jeune fille était déçue, elle aurait voulu toucher l’œil. Cependant, elle ne s’attendait pas à ce que Demetreius s’énerve et lui lance un coup si téméraire. En tentant de l’esquiver, elle le reçu sur la joue, se mordant la langue par la même occasion. Egalité, tout est à recommencer. Mais elle commençait à fatiguer, et son adversaire aussi. Mais pas question d’abandonner. Son orgueil ne pouvait concevoir une telle chose. L’assassin redoubla donc d’efforts pour parvenir à le désavantager, ne serait-ce qu’un peu. Elle voulait la victoire et n’avait pas du tout l’intention de la céder au prévôt.

Un coup supplémentaire de sa part. Demetreius s’effondra à genoux, et Alice le fixa quelques secondes, prudente. La feinte, elle la connaissait bien. Méfiance.
Elle s’approcha donc, le souffle saccadé. Prudemment, pas trop près. Il fallait qu’elle le frappe pour gagner. Mais si elle se précipitait trop, elle risquait de perdre.
Comme elle l’avait pensé, c’était une feinte. Dès qu’elle était assez près, son adversaire se releva pour lui pointer sa dague sous la gorge. Elle fit de même. Il lui souriait, mais Alice le fixait d’un air farouche sous ses mèches collées sur son front par la sueur. Comme si elle le mettait au défit d’oser l’attaquer. Mais elle savait qu’il ne le ferait pas. Il tenait trop à sa vie pour la sacrifier dans un combat comme celui-là.

Plus puissante que le ramassis de chiens qui peuple ce royaume et ce château ? Evidemment qu’elle l’était, et de loin ! Son maître avait été l’un des plus grands assassins de ces terres tout de même !

" Mais à qui donc croyez-vous parler ? "

Contre toute attente, il retira sa dague. Alice le fixa, surprise. Nouvelle feinte ? Elle attendit une explication de la part de son adversaire, qui se contenta de faire éloge de sa personne. Eloge qui ne sembla pas l’émouvoir, mais elle comprit que le combat était fini. Alice était assez déçue, elle avait pensé que c’était un vrai combat et qu’elle aurait pu le foutre dehors si elle gagnait. Mais peut-être que Demetreius avait seulement l’intention de la tester. Il en semblait satisfait d’ailleurs.

Après mûre réflexion, Alice abaissa sa dague. Elle n’avait aucune fierté à tuer quelqu’un qui n’aurait rien fait pour se défendre (à part pour ses victimes, mais ça, c’était pour le boulot). Elle profita de cet instant de répit pour cracher par terre. Sa langue continuait de saigner et elle en avait marre d’avaler le fluide vital qui s’en échappait. Mais ce n’était qu’une plaie superficielle.

" Gardez vos compliments pour vos amantes. Je crois que la question est règlée : vous ne me fouillerez pas. Maintenant que vous n'avez plus rien à faire ici, je vous prie de partir. J'aimerais bien récupérer les heures de sommeil dont vous m'avez si gentillement privée. "

L'assassin avait fini par baisser son arme, comme il l'espérait. Elle n'était pas folle et avait son honneur. C'était très bien, cela tendait à se perdre, malgré toutes ces épopées lyriques des troubadours où de grands chevaliers au coeur pur combattaient pour l'honneur et la gloire. Des pantins inventés pour donner aux gueux la ligne de conduite à suivre. Demetreius n'en faisait pas partie. Il combatait pour sa personne, il massacrait ses adversaires, mais dans l'honneur. Il refusait la simple barbarie. A chaque adversaire ou innocent exécuté, il donnait une mort digne. La même qu'il aimerait avoir plus tard.

Il voyait bien que l'assassin saignait, mais il ne dit rien avant qu'elle ait fini de le remballer et de le remettre à sa place. Enfin, sa place, c'était vite dit. Elle était aussi la sienne. Vassale directe du roi sans autre maître que lui. Et elle semblait oublier qu'elle n'avait pas d'ordre à lui donner, ni même lui à elle. Pour dire vrai, ils n'avaient aucun pouvoir l'un sur l'autre. Demetreius n'avait aucune raison d el'écouter, et elle non plus n'en avait pas. Il sourit en la regardant lui tenir tête et lui prit délicatement le menton par la main.

" Laissez-moi vous aider. "

Il posa ses lèvres sur les siennes et amena sa langue à celle d'Alice pour aspirer son sang. Il y resta une seconde et retira sa langue, puis ses lèvres, recrachant le sang.

Demetreius ne semblait pas vouloir débarrasser le plancher. Alice commençait sérieusement à en avoir marre. Elle voulait être tranquille, seule, et se noyer un peu plus dans ses rêves. Elle savait bien qu’elle ne pouvait lui donner aucun ordre, mais elle avait espéré qu’il lâche l’affaire…Apparemment non. Et cela l’agaçait fortement. Si ce petit jeu continuait, elle le ferait sortir de force.

Elle ne comprit pas lorsqu’il lui prit le menton et lui proposa de l’aider. L’aider à quoi ? Elle allait très bien -_-‘. Et à sa grande surprise, le prévôt l’embrassa…Euh l’aida plutôt ^^’. Alice fut trop stupéfaite par tant de culot pour réagir directement. Faisait-il ça pour l’énerver ? Sûrement. Mais pour ne pas qu’il y ait de malentendus à propos de cette aide, elle se contenta de l’éloigner d’elle en dressant à nouveau sa dague contre lui dès qu’il s’était décollé d’elle. Que son intention de 'l'aider' soit bonne ou pas, elle n'en voulait pas. Alice n'était pas du tout d'humeur, cela se sentait (et se voyait). Ses yeux vairons fixaient le prévôt d'un air glacial. Ce n'était pas à cause du baiser qu'elle était énervée, non, un baiser n'est rien. Mais elle commençait à trouver son obstination très, très lourde.

" Merci, mais je me débrouillerais seule. C’est mon dernier avertissement. "

Le faire pour l'énerver? Certainement pas. Le jeune homme n'avait pas de temps et d'intérêt pour des choses si enfantines et futiles. Non, s'il avait embrassé Alice malgré la dague, c'est qu'il en avait une forte envie. Ce n'était pas que son goût du sang, c'était aussi la personne qui l'attirait. Chose qui le troublait un peu, mais il n'y avait pas de raison qu'il se remette en cause.

Il l'embrassa et se recula en sentant la dague à nouveau sur lui. En souriant. Un sourire amusé et défieur. Il se lècha les lèvres et la fixa de son regard froid et de ses yeux profonds. Il ne fit aucun geste et se contenta de répondre.

" Bien. C'est fort dommage, vous êtes vraiment une personne fort intéressante. Je m'en vais, mais j'aimerais vous convier au repas de ce soir à mes côtés. "

Il regarda par-dessus l'épaule de la jeune femme.

" Mais auriez-vous l'obligeance de me laisser aller récupérer mes affaires avant cela? "

Alice leva un sourcil, ne comprenant pas où il voulait en venir. Qu'est-ce qui était dommage? Qu'elle ne se donne pas à lui? S'il la voulait, il fallait beaucoup, mais beaucoup plus que ça. Elle avait tout ; gloire, richesse et pouvoir. Alice n'avait donc pas l'intention de faire offre de sa personne pour si peu. C'était un luxe qu'apparement seul le roi pouvait se payer.

Mais peut-être qu'elle se trompait et qu'elle voyait trop de sous entendus. Mais admettons qu'elle ait raison...Il serait amusant de voir jusqu'où il serait capable d'aller pour l'avoir. Mais s'il continuait à l'agacer de la sorte, ça allait être difficile pour lui.

Dîner? Avec lui? Alice failli refuser direct, mais elle réflechit un peu plus à la question. Si elle refusait, il était possible qu'il revienne à la charge pour fouiller dans ses affaires. Mais en tant qu'assassin, Alice était méfiante. On était à Sadimus, personne ne faisait de cadeaux. Il était possible que ce repas soit un piège. Ou peut-être pas. Oui, elle était un peu parano. Bon, on verra bien.

" Puisque vous avez l'air de tellement y tenir... "

Alice baissa une seconde fois son arme. Cependant, elle ne le laisserait pas s'approcher une deuxième fois.
Elle hocha la tête, signe qu'elle l'autorisait à récupérer ses affaires.

" Je vous en prie...Et merci de ne pas partir avec ma dague. "

La jeune fille tendit la main, attendant que Demetreius lui rende son bien.

Alice croyait que le pouvoir, la richesse et la gloire étaient tout? Il était stupide et simpliste de penser que l'on pouvait se contenter de cela. Certains sentiments mêmes afables et soutenus pouvaient jouer sur une vie. Si elle se donnait au Roi par soumission, libre à elle, lui aurait plus de mérite à la conquérir. Il la conquérrait, oui, car il avait à présent pour elle du respect et une attirance autre que purement physique. Il n'avouait pas pouvoir trouver un alter ego, non, disons simplement qu'elle avait plus que le reste de ses insipides ignares dépravés composant la cour et la royauté elle-même.

Qu'elle accepte le diner, même sans joie, lui faisait plaisir. En tout cas, il aurait dit que ça satisfaisait son ego. Elle voyait le complot et la tromperie partout, aussi paranoïaque que lui, mais elle apprendrait vite qu'il était un homme têtu et magouilleur mais droit et un homme de parole. Il avait de nombreuses facettes appréciables pour n'importe qui, même si au fond il restait Asharon, le prévôt haï de tous et la terreur des faibles.

" Vous m'en voyez satisfait. "

Il lui rendit sa dague et alla remettre son armure, ce qui prit quelques minutes, avant de prendre son épée et la ranger sans geste brusque. Il alla ensuite vers la porte sans un regard pour elle.

" Ce combat m'a beaucoup plu, Meister. Vous avez aujourd'hui gagné mon respect. Et vous êtes bien la première. "

Pendant que Demetreius revêtissait son armure, Alice remit un peu ses affaires en ordre. Elle fit tomber le matelas (qui était contre le mur) par terre. Elle le remettrait plus tard. L’assassin jeta un coup d’œil par-dessus la fenêtre pour voir où était passé son matériel. Ouf, il était juste sur le balcon, pas besoin de descendre en bas pour aller le chercher. Elle ramassa soigneusement ses petites aiguilles et les rangea dans leurs étuis. Il faudrait qu’elle pense à remplir ses réserves de poisons…La jeune fille profita de sa présence sur le balcon pour observer le paysage. Paysage qu’elle trouvait laid. Elle aurait préféré voir des forêts à la place des maisons faites de rocs, de bois et de pailles. Il faudrait d’ailleurs qu’elle y aille faire un tour, dans la forêt…
Alice quitta le balcon. Demetreius avait fini de mettre son armure. Elle lui tourna le dos et rangea ses affaires. Puis le prévôt dit quelque chose qui surprit l’assassin. Tiens donc, elle était la seule personne qu’il respectait ? Du haut de ses 19 ans, elle avait surpassé le roi dans l’estime du prévôt ? Alors qu’elle avait juste voulu le foutre dehors ? Ben comme quoi…
Pour l’instant, elle s’en foutait pas mal d’être la seule personne qu’il respecte, vu que pour le moment elle le considérait comme un type très énervant. Elle était juste flattée. Mais Alice ne respectait personne, pas même le roi. Elle ne servait que ses propres intérêts.
Alice laissa le prévôt sortir sans lui répondre. Elle n’avait rien à dire de toute façon. Après avoir vérifié qu’il était bien partit, elle s’allongea sur le matelas (toujours sur le sol), s’enroula dans les couvertures et s’endormit. Pour retrouvé la seule personne qui lui manquait…